La voie antérieure: une voie d’abord logique pour le mini-invasif
Ces dernières années, 2 progrès majeurs ont permis d’améliorer la chirurgie des prothèses de hanche pourtant déjà très fiable. La maîtrise de l’usure à long terme par l’emploi de matériaux de meilleure qualité et l’amélioration de la façon d’implanter les prothèses. On parle maintenant de chirurgie mini-invasive.
Pourquoi la voie d’abord antérieure est elle la seule à être vraiment mini invasive
La voie d’abord antérieure dite de Hueter est la seule voie d’abord de la hanche qui permette vraiment une chirurgie atraumatique. Le chirurgien va passer entre le muscle tenseur du fascia lata et le muscle droit antérieur. L’articulation est juste en dessous. Il existe une zone de passage virtuelle qui permet d’aborder l’articulation simplement en écar- tant les muscles. On passe loin des muscles fessiers ce qui est fondamental pour une récupération rapide. Il est tout à fait possible et probablement souhaitable de conserver la capsule articulaire. Ceci va diminuer voir annuler le risque de luxation. Peut- être plus important encore, la conservation de la capsule articulaire permet au patient de conserver tous les récepteurs proprioceptifs de cette structure anatomique. Une très bonne proprioception, c’est là encore une bonne façon de limiter les phénomènes d’instabilité. Tout cela va dans le sens d’une récupération plus rapide et d’un retour à une vie normale rapidement. Enfin comme la voie est moins traumatique, le saignement est beaucoup moins important. le recours aux auto-transfusions si contrai- gnantes pour les patients n’est plus utile.
Mieux, si un patient présente une coxarthrose bilatérale, il est tout à fait possible d’intervenir sur les 2 hanches le même jour. Cela diminue les coûts et le nombre d’hospitalisation mais à partir du 28 février 2005 suite à la mise en place de la T2A (coûts par pathologie), cette procédure n’étant pas encore dans les listings, va devoir être abandonner. Les technocrates du ministère de la santé n’avaient pas prévu ce détail!
Toutes les autres voies d’abord de la hanche passent au travers ou sectionnent des éléments musculaires. La voie postérieure passe au travers du muscle grand fessier et se doit de sectionner certains muscles pelvi-trochanteriens. La voie de Hardinge quant à elle passe tout simplement au travers des muscles “petit et moyen fessiers”. Dans 30% des cas le patient va garder des stigmates définitifs de cette “intrusion”: douleurs, boiterie plus ou moins prononcées. La voie transtrochantérienne n’est pas illogique car elle sectionne l’os au lieu de toucher les muscles (il faut quand même passer au travers du muscle grand fessier) mais la consolidation de la zone d’ostéotomie va demander 6 semaines de décharge. De plus le matériel d’ostéosynthèse est quelquefois gênant.
Pourquoi la voie antérieure n’est-elle pas la plus utilisée actuellement?
Tout simplement parce qu’elle n’est pas si facile à exécuter et aussi parce qu’elle demande certains instruments spécifiques dont une table orthopédique d’un genre un peu spécial. Cette table n’était pas forcement disponible dans tous les blocs au début et finalement les chirurgiens ne se débrouillaient pas si mal avec les autres voies d’abord. Quand je me suis installé en 1995, c’est exactement ce que l’on m’a dit! Nous n’avons pas les moyens d’investir 30000€ dans une table particulière et si voulez faire de la chirurgie de la hanche, il faudra faire comme tous vos autres collègues, vous en passer! Connaissant les avantages de cette voie et surtout n’ayant pas envie de m’en passer, nous avons donc avec l’aide d’un des brancardiers de la clinique fabriqué une première table orthopédique! A l’époque, les autorités n’étaient pas tout à fait aussi pointilleuses avec les normes et un jour de 1996 vit se poser la première PTH par voie antérieure sur un bricolage de quelques centaines d’euros.
Après avoir validé ce bricolage, j’ai rapidement pu reprendre mes “petites recherches” sur la réduction des tailles de cicatrices que j’avais commencée comme chef de clinique à l’hôpital de la Pitié et dans le service d’Emile Letournel à la porte de Choisy. A l’époque tout cela ne s’appelait pas “mini invasif”. Nous étions surtout content de voir qu’une grande majorité de nos patients marchait rapidement sans canne et pouvait reprendre plus rapidement leur activité. Allant mieux, ils quittaient bien sur plus rapidement la clinique. Il faut bien reconnaître que cela a grandement contribué à développer cette activité à la clinique des Lilas à l'époque.
En l’an 2000, les américains toujours à l’affût d’un bon coup marketing ont lancé le “mini-invasif” dans la hanche. Un certain Richard Berger de Chicago utilisait la voie d’abord antérieure pour mettre des cotyles, mais ne connaissant pas la table orthopédique, il devait refaire une autre voie d’abord pour mettre en place la tige fémorale... Les médias en ont parlé, et internet aidant, tout le monde s’est senti concerné: les industriels, les chirurgiens et bien sûr les patients. Le monde de l’orthopédie a été ébranlé par tout ce tapage et de nombreuses réunions ont été organisées et continuent à l’être.
Le mini-invasifMoi qui faisait cela depuis quelques années mais sans en parler bien sûr, j'ai donc suivi le mouvement médiatique. J’ai eu surtout la chance d’intéresser un laboratoire de prothèse avec ces petites cicatrices, cette conservation de capsule et surtout l’extension de table orthopédique. Nous avons donc pu développer avec le laboratoire Médacta une nouvelle table orthopédique (qui enfin était aux normes) et tout un jeu d’instruments qui permettent de parfaitement mettre en place une prothèse classique par cette petite voie d’abord antérieure. Dans le cadre de la collaboration avec ce laboratoire, un certain nombre de chirurgiens français et étrangers viennent maintenant se former à ces nouvelles techniques (quelques centaines en 15 ans). La plupart pour l’instant viennent de l’étranger et surtout d'Australie, Suisse, USA, Autriche, Espagne et d’Italie. Il est vrai qu’avant, sans table orthopédique, cela n’était vraiment pas facile. Maintenant, ils peuvent au moins essayer car le laboratoire leur fournit la table gracieusement. En fait ce n’est pas une table entière mais une extension qui se fixe sur une table orthopédique existante.
Tout un jeu d’instruments spéciaux et d’écarteurs a, là aussi, été mis au point pour minimiser les erreurs et diminuer la courbe d’apprentissage.
Actuellement, 15% des patients sortent le jour de l’intervention. C'est la chirrugie ambulatoire qui est la règle maintenant sauf quand on ne peut pas la faire. Les autres sortent le lendemain ou le surlendemain. A un mois 90% des patients n’utilisent plus de canne. La conduite automobile peut être reprise la semaine qui suit la sortie. La pratique de tous les sports est possible à partir du troisième mois. La natation et le vélo seront repris si possible dans les premiers jours. Les précautions d’usage concernant les phénomènes de luxation n’ont plus lieu d’être...
Un peu de tribologieC’est la science des frottements et de l’usure et dela lubrification entre 2 pièces en mouvement.
L’interface entre la bille fémorale et la pièce cotyloïdienne a été pendant longtemps basée sur le couple métal plastique. La céramique a ensuite fait son apparition au niveau de la bille fémorale.
Actuellement surtout chez les sujets jeunes et actifs, on s’oriente vers des couples de frottement dur/dur: Céramique/céramique.
On dira simplement que ces couples semblent promettre des durées de vie prothétique nettement plus longues. L’idée d’une “prothèse pour la vie” n’est plus tout à fait utopique. Même le polyéthylène qui était le composant de base des prothèses cotyloïdiennes a lui aussi fait des progrès indiscutables.
Les industriels commencent à fournir des polyéthylènes où les chaines moléculaires sont maintenant interconnectées. On parle de “polyéthylène réticulé”.
Cette innovation est encore récente mais les tests sur simulateur de marche sont très prometteurs. Je reste néanmoins tres fidèle à la céramique chez les sujets jeunes
2 pionniers français de la chirurgie de la hanche
Robert Judet, le premier, mets en place une prothèse de hanche par voie d’abord antérieure dès les années 50. Il a développé une table orthopédique spéciale qui simplifie cette chirurgie.
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Emile Letournel, mon maître, m’a enseigné cette chirurgie. J’essaie de lui rendre honneur en continuant son travail sur les fractures du cotyle.
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